Très présent dans les années 60/70, l’antinaturisme reviendrait-il en force ? Et pas que sur les réseaux sociaux ? Exemple à la plage de l’Anse moustique, en Martinique début avril.
Dimanche 7 avril 2019, à 14h, une manifestation contre la pratique du nudisme sur la plage de l’Anse Moustique, à Sainte-Anne, en Martinique, a regroupé une quinzaine de personnes mobilisées par les réseaux sociaux. Le groupe a sillonné le site jusqu’à Petites salines pour intimer l’ordre de se rhabiller aux nudistes. En Martinique, aucune plage n’est officiellement autorisée au naturisme, et cette pratique se fait généralement de façon confidentielle, dans des lieux isolés des accès grand-public. Et les médias étaient là, une vidéo de l’opération circulant désormais sur YouTube.
Un peu d’histoire
Face aux adeptes de la nudité intégrale, sauvage ou organisée, les opposants ont parfois employé des méthodes radicales, fortement médiatisées, et souvent soutenues par les autorités, municipales ou gouvernementales. Au delà du simple envoi de forces de police sur les plages concernées (cf. Les gendarmes de Saint-Tropez), ces adversaires inconditionnels, protecteurs de la morale et de la famille, ne manquaient pas d’imagination. Au début du siècle dernier, Kienné de Mongeot, créateur de “Vivre d’Abord”, fut même traduit devant le tribunal par son propre oncle, qui le traitait de débauché.
En 1962, pour lutter contre le nudisme sauvage sur la plage de Pampelonne, sur la côte d’Azur, c’est le journal France-Dimanche qui s’en mêle, déclenchant une véritable “Opération antinudisme”. Il loue un hélicoptère et fait lâcher sur la plage des milliers de tracts intimant aux nudistes d’aller ailleurs. La rédaction se justifie en déclarant “qu’il ne s’agissait pas de vrais nudistes, mais d’exhibitionnistes, car les vrais nudistes vont dans les camps”. (voir: Saint-Tropez)
En 1966, les policiers de l’opération “Vacances 66” ont des consignes strictes, et déclarent la guerre aux libertins et aux nudistes. Comme le précise France-Soir, «Ils ont reçu des instructions très sévères pour surveiller plus particulièrement, dans certaines stations à la mode, les plages isolées et les boites privées fréquentées par les débauchés et les libertins. Les nudistes qui, en 1965, avaient envahi des terrains interdits, seront refoulés dans les camps qui leurs sont réservés. Des patrouilles surveilleront les plages la nuit, pour interdire, surtout sur la Côte d’Azur, les fameux bains de minuit qui ne sont que le prélude (sic) à des « parties » scandaleuses». Conjointement, en Italie, la presse note que des policiers ont interpellé quatre nudistes Viennois à l’extrémité de la plage de Caorle, à 75km de Venise, .
La même année, Kienné de Mongeot, militant nudiste depuis près de quarante ans, se fâche dans la Revue Naturiste internationale: «Les adversaires du nudisme ont pris: des gymnistes, des naturistes, des végétariens, des végétaliens, des frutariens, des adeptes du nudisme en chambre (indoor), des francs-tireurs du nu, de Saint-Trop et autres lieux, des yogis en slip, des Levantins ayant incorporé la pratique de la nudité à la vie sociale, des demi-nudistes, des obsédés et des refoulés sexuels, une certaine quantité de voyeuristes, qui ont mis tous ces gens dans un shaker, fruit de leur imagination tourmentée par la morale et l’érotisme, ont agité le tout vigoureusement, et en ont sorti un cocktail qu’ils ont baptisé naturisme. Et ils s’en saoûlent à bêtise que veux-tu. Laissons les cuver leur mixture». En 1973, la population d’Erdeven, en Bretagne, rejette violemment les nudistes.
En 1975, c’est vers la Corse que se tournent les médias. Le maire de la commune d’Ogliastro, Pierre Morganti, après avoir organisé un commando antinudiste, fit enduire de peinture bleue tout ceux qu’il réussit à prendre. Et le 14 août de cette même année, dans la foulée, c’st le Ministre de la qualité de la Vie (!), M. Jarrot, qui publie un communiqué affirmant que « les naturistes qui se dénudent redeviennent au niveau de l’animal », et estimant que l’initiative du maire corse « n’était pas une mauvaise idée ».
A contrario, en janvier 1980, la presse naturiste exultait: les nudistes pris sur le fait sur la plage des Jaunais, près de Pornichet, venaient d’être condamnés… à rien.
Jusqu’au début du XXIe siècle, les nudistes vécurent dans l’indifférence générale sur les plages, sauf comme en 1993, dans le Nord, ou au Cap d’Agde, quand le comportement de certains couples sans maillot s’apparentait plus à l’exhibitionnisme qu’au simple plaisir du bronzage intégral, et nécessitait l’intervention des autorités. Mais depuis quelques années, comme le montre l’exemple martiniquais de 2019, et comme ce fut le cas à la Réunion voilà une décennie, des regains de tension sont relevés entre population et naturistes.
En 2014, par exemple, la police intervint dans les dune de Zuydcoot, fans les Hauts-de-France, pour interpeller des naturistes au comportement inadéquat.
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