Publié en juillet 2024 aux éditions Tarmac, l’ouvrage intitulé Corps en nudité entraîne à la réflexion sur le corps, sa nudité et sa présence sociale. Un recueil aussi jubilatoire que philosophique signé David Sarnac et illustré par Amel Zmerli.
Par Jean-Luc Bouland
« S’il se sent à ce point exposé lorsqu’il est nu, pourquoi l’homme a-t-il quitté la vie à quatre pattes ? ». D’entrée de jeu, l’ouvrage donne le ton. L’écrivain-voyageur David Sarnac, son auteur, pousse la réflexion à son paroxysme, dépouille les idées, défibre le tissu des mots. « Etre nu, c’est commencer par le commencement ». Tel est le premier aphorisme affiché, après l’avant-dire un brin métaphysique nous invitant à parcourir cet opuscule de 150 pages édité par Tarmac sur du beau papier, incitatif et addictif. Le commencement ? Mais qu’en est-il alors de l’état de gestation rétorqueront quelques esprits chagrins, adeptes du sempiternel débat sur la poule et l’oeuf, quitte à préférer se renfermer dans leur coquille comme d’autres restent nostalgiques du ventre de leur mère. Mais là n’est pas le propos, quoi que.
« La dénudation ne donne à voir que de l’intime, et encore: de l’intime entendu comme abdication, perte de ce statut visuel qui ne tolère de justification qu’entre les plis du dissimulé » nous dit-on, en nous mettant en garde contre le sentiment de honte inculqué dès notre enfance, selon quelques préceptes d’inspiration religieuse, mais pas seulement. « Le corps en nudité est une blessure de regard » écrit-il encore. Subjectif, quand tu nous tiens, ressenti exacerbé ou sentiment d’injustice face à une imposition d’un corps caché par obligation sociale, comme on rejetterait un objet sale, honni, misérable… Le contrat social vu chez Hobbes reposerait sur le rejet du naturel… Vaste débat, où l’emprise du cerveau reptilien serait supplantée par une sociabilisation restrictive ?
Au fil des pages, des propos et aphorismes généreusement illustrés par les sanguines d’Amel Zmerli, on ne peut qu’étendre le champs des possibles sur la perception de la nudité, de la sienne propre comme de celle des autres, quitte à retenir quelques formules pointues qui feront mouche pour engager la conversation en bonne compagnie. Voilà une contribution à la réflexion sur notre être de chair qui mérite d’être retenue, et conservée en bonne place dans de savantes bibliothèques, même si, avouons-le, malgré sa cohérence dans le déroulement des propos, son contenu n’est pas uniformément accessible à tous. C’est en élevant le débat que l’on fait progresser la réflexion. Et réciproquement.
- Corps en nudité – David Sarnac – Ed. Tarmac – format 12×21 – 152 p – 23€.
Extraits
« La raison qui se défait du corps en lui imposant l’habit est une déraison mais n’en institue pas moins, pour notre plus grande joie, le corps comme œuvre d’imagination » (p32).
« La nudité est une intériorité qui se mêle aux dehors » (p 53)
« Le désert ne s’ouvre qu’à ceux qui sont nus » (p75)
« Dans la Bible la nudité parait parce que le discernement est tenu pour la faute fondamentale. Fais du discernement le moteur de ta vie. Et va nu. »(p88)
« Avoir fait passer passer le vêtement pour la marque du civilisé est la plus grosse tartufferie de l’Occident » (p105)
« La nudité sociale est un acte de foi dans le regard de l’autre » (p129)
« Nous avons trop longtemps prétendu dépasser la nature, alors qu’il nous suffisait de nous y ajuster. La nudité nous aide » (p143).
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