Rares sont les polars se déroulant en milieu naturiste et donnant priorité à l’histoire et l’intrigue sur la volonté de décrire un milieu inhabituel. Dans Le Mystère Lapérouse, sous fond de réflexion écologique, Guy Lerbut réussit ce pari, au point de presque nous faire oublier le contexte, pourtant omniprésent.
A proximité du Touquet, le domaine naturiste La Pérouse vient d’être endeuillé par la mort d’un des piliers du lieu, Antonin Salindre, découvert à demi-nu au sommet d’une dune à proximité du village. Est-ce vraiment une mort naturelle, ce qui semble satisfaire toute la communauté, autant que ses proches ? Pour Benjamin Docer, le héros, certains détails sont trop intrigants pour en rester là. Propriétaire d’un chalet dans la résidence, neveu d’un des responsables, cet ingénieur très investi dans l’écologie n’hésitera pas à endosser un costume de détective qu’il a déjà porté vingt ans plus tôt pour mener l’enquête, plus ou moins aidé de sa famille. Qui avait intérêt à éliminer ce militant naturiste controversé ? Beaucoup plus de monde que l’on pourrait croire.
Signé Guy Lerbut, un auteur nordiste maitrisant bien son sujet, ce roman publié début mars aux éditions Gilles Guillon est la seconde aventure du héros, après « Le mystère Entropie », paru en 2018. C’est un roman à l’énigme bien construite écrit dans un style direct, tout à fait approprié pour passer un bon moment sur une plage, dans son jardin ou au bord d’une piscine, aussi prenant qu’instructif. Totalement différent du polar déjanté au style haut en couleur de Carlos Salem (Nager sans se mouiller – 2010), ou plus militant de Jean-Bernard Pouy (Nus – 2007), mais beaucoup plus facile d’accès pour décrire la « normalité » du milieu naturiste.
« Personnage atypique, cadre original, rythme lent fait de petits éléments de la vie quotidienne, les romans policiers de Guy Lerbut privilégient la réflexion et le suspense plutôt que l’action et la violence », écrit son éditeur. C’est tout à fait ça. Pas de scène d’action époustouflante, pas de langage fleuri à la San Antonio, très peu d’effet de style, la fantaisie se limitant souvent au nom des personnage ou à quelques plaisanteries anodines glissées au hasard de discussions familiales. Mais l’intrigue est prenante, sans parti pris exagéré, même dans la description de personnages aux opinions contraires à celle du héros. Une véritable écriture humaniste illustrant aisément la formule « Ici, ce qui nous réunit, c’est le naturisme, et c’est le principal », au-delà des classiques différents politiques, sociétaux ou familiaux.
- 368 pages – Editions GG (Gilles Guillon) – 13 €
Extraits
Page 92 – « Alain et Odile, surtout Alain, posaient des questions sur le naturisme, toujours les mêmes, d’ailleurs. Alain nous percevait tellement décomplexés face à la nudité, tout au moins dans nos propos, qu’il y voyait un avantage psychologique, un bien-être, un épanouissement que manifestement il n’aurait jamais s’il ne s’y aventurait pas » .
Page 113 – « Quand tout le monde est dans la même tenue, si j’ose dire, il ne peut être question d’exhibitionnisme. Mais vous posez la question des zones mixtes. Il est vrai que sur les plages, bien que les zones naturistes y soient souvent délimitées, on peut trouver quelques personnes en maillot de bain. Et vous vous sentez gênés alors que ce sont eux qui devraient l’être. Je vous comprends très bien, j’ai vécu cela. Ce que je puis vous conseiller, c’est de tenter un domaine naturiste« .
Page 173 – « (Daniel) prôna un domaine paisible avec des villageois vivant en harmonie ayant un point commun, le naturisme qu’il associait à la protection de la nature et au respect de l’autre, aussi divers soient-ils d’esprit et de corps« .
Page 223 – « Ca ne te dérange pas que d’autres voient Olivia nue ? Tu n’es pas jaloux ? » . « Non, pas du tout, à partir du moment où nous sommes tous dans la même tenue… J’allais dire vestimentaire !« .
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