En été, dans nos régions tempérées, les corps se libèrent de vêtements, s’offrent aux regards des autres, les comportements changent, et les mentalités s’adaptent. Des adaptations qui ne se font pas sans douleur, sans lutte et sans fortes oppositions. Les naturistes en savent quelques choses, mais seulement eux.
Dans un ouvrage publié en 2009, et toujours d’actualité, Christophe Granger, par ailleurs enseignant-chercheur en histoire contemporaine à l’université de Strasbourg, et membre du centre d’histoire sociale du XXe siècle, s’est attaché à étudier cette variation saisonnière, principalement entre 1920 et 1960. Et cet ouvrage, en 160 pages et 4 grands chapitres, raconte réellement la saga des Français qui «…au fil des siècles, apprirent à vivre l’été avec leur corps pour personnage principal… ».
En quatre étapes, l’auteur montre comment l’été vint aux corps, comment ceux-ci perturbèrent les habitudes et furent l’objet de batailles sociétales acharnées (dont toutes n’ont pas disparues) et comment le soin des apparences prit le dessus, le bronzage n’étant là qu’une composante parmi d’autres de cette recherche estivale. « …Autant renoncer aux précautions : c’est dans l’entre-deux guerres, tandis que la France, coincée entre deux effondrements, s’affaire à sa rénovation, que jaillissent les corps d’été. Rien de très étonnant, au fond : les impératifs d’hygiène qui tenaillent plus que jamais un pays épuisé…donnent un e importance considérable aux corps, portés au cœur des impératifs de régénération nationale, dont la guerre et la volonté de combattre –l’épuisement de la race- ont, à droite comme à gauche, appesanti l’exigence… ». Voilà un discours que l’on retrouvera facilement dans les revues du mouvement naturiste, entre 1930 et 1960, principalement chez Kienné de Mongeot, au sein du mouvement Vivre.
S’appuyant sur une importante documentation, citant journaux et auteurs, offrant d’édifiantes illustrations comme des témoignages souvent oubliés, cet ouvrage va bien au-delà de l’histoire du maillot de bain. Et devient une source de réflexion essentielle à une époque ou nombre de ces libertés affichées sont aujourd’hui contestées, voire en régression au profit d’un « retour à la pudeur » qui contenterait certainement les militants du Groupement calaisien pour le relèvement de la moralité publique, fort actif en 1934 pour interpeller les pouvoirs publics contre les tenues « obscènes » des nouveaux venus sur les plages, principalement les femmes. Tout comme on notait l’action virulente de la Fédération française des sociétés contre l’immoralité publique, d’inspiration protestante, puis très œcuménique, dirigée en 1920 par un enseignant strasbourgeois.
Si le mot naturisme n’y est pas toujours évoqué, malgré une couverture évocatrice qui, réflexion faite, illustre plutôt le déshabillage, on ne pourra que s’associer aux combats évoqués, et en prendre leçon, pour s’armer en conséquence en prévention d’autres oppositions toujours latentes…
– Christophe Granger – Ed. Autrement – 180p – 18€. 2009.
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