Dans les années 50, les différences idéologiques faisaient rage entre « naturistes » et « nudistes ». Ainsi dans la revue Nudisme et Santé, dirigée par Bob Harvest, Luc Geslin signait une tribune consacrée au sujet qui aurait pu être écrite en 2022.
Par Jean-Luc Bouland
En 1958, la revue « Nudisme et Santé », dirigée par Bob Harvest, militant naturo/nudiste décrié chez ses pairs, fait la part belle dans son N°6 au film britannique Nudist Paradise, réalisé par Charles Saunders, et annoncé pour une diffusion en France en fin d’année. Des images extraites du film, dont une représentant l’actrice Anita Love, ont aussi une caractéristiques intéressantes : aucun floutage, car la revue n’est pas vendue dans le commerce.
Le bimestriel, créé en 1957, avec couverture en couleur, fait 26 pages, propose poèmes et dessins humoristiques, liste de lieux naturistes et petites annonces, et articles de fond, signés Bob Harvest, Géo Dardenne, ou Luc Geslin, le dr Herscovici et le Dr Perroneaud. Dans cette édition parue en octobre-novembre 1958, Luc Geslin aborde un sujet intéressant, mais sempiternel, la différence entre naturistes et nudistes. Extraits
La nudité : un but ou un moyen ?
Chaque séjour dans les collectivités naturistes nous apporte la confirmation qu’il y a à peu près autant de sortes de naturisme que de naturistes. Pour les uns, le naturisme se réfère aveuglément aux bienfaits de la contemplation, pour d’autres ce sera une quasi adoration du soleil, les fanatiques de la carotte râpée n’auront que méris pour les « mangeurs de cadavres » (entendez pour les partisans du régime carné), ajoutez à cela les faiseurs d’exercices respiratoires, les apprentis yoghis, les espérantistes et vous n’aurez qu’une idée très incomplète des multiples facettes du naturisme. Je suis absolument certain que tous ces gens sont sincères, tous méritent sympathie et respect; mais il faut reconnaitre que le naturisme est tellement vaste qu’il demeure une notion assez floue dans le cadre très général d’un rapprochemernt vers la nature.
Les nudistes, eux, ont au moins un point commun : le désir de vivre intégralement nu le plus souvent possible, dès que cela est possible. Pourquoi ? tout simplement et sans autre raison, parce que, lorsquye la loi et la température le permettent, nous sommes mieux nus qu’en slip. Souvent, ceux qui n’ont pas encore franchi la barrière du nu intégral nous disent « A quoi bon quitter un slip qui couvre si peu ? » N’ayant plus d’utilité pratique, pourquoi le garder ? Et pour saisir la différence entre le fait de porter même une coquille et le fait d’être nu, dès que vous serez seul, en campagne, un beau matin, jetez votre slip aux orties et faites un cent mètres dans l’herbe encore humide de rosée, ou plongez dans l’eau encore frissonnante de la nuit et à ce moment vous comprendrez la différence. Pourquoi se soumettre à une pudeur sans fondement véritable ? Pourquoi cacher le sexe plutôt que les yeux, le nez, la bouche ou les pieds ? Pourquoi ne pas accorder au sexe, organe noble entre tous, le même traitement qu’aux autres parties du corps ? La véritable pudeur est celle des sentiments, elle n’a que faire de la surface d’une étoffe sur le bas-ventre.
Mais l’état de nudité intégrale si agréable soit-il, peut-il être considéré comme un but ? Non, cent fois non. La nudité, de même que le sport, ne peut être considérée comme un but, c’est un moyen (…) Etre nudiste, ce n’est pas seulement se faire rôtir au soleil. Le nudiste qui se trouve régulièrement dans un groupe mixte, au coeur de la nature, est exactement dans le même état d’esprit que le sportif sincère. Même le nudiste le plus négligent entreprend une véritable transformation de lui-même, en libérant son corps instinctivement il libère son esprit. Ayant la franchise de rencontrer ses semblables tel qu’il est réellement, avec ses défauts et ses qualités physiques, le nudiste tend, infailliblement, à apporter la même franchise mentale et morale (…)
Mais l’expérience nudiste, c’est aussi une prise de conscience. Par ses contacts avec la nature, le nudiste prend conscience de l’ampleur de l’artifice dans sa vie quotidienne. Il réalise sa faiblesse, sa pauvreté. il constate la perte de la notion des vraies valeurs dans le monde contemporain. Nus dans la nature, il n’y a plus de classes sociales, plus de riches, plus de pauvres, il reste le fort entraînant le faible, l’esprit pratique et l’habileté manuelle au service de tous.
Le nudisme n’est pas une religion, c’est un mode de vie agréable, sain et enrichissant. Soyons heureux, soyons fiers d’être nudistes puisque nous trouvons là un moyen solide pour améliorer notre bonheur de vivre et notre culture personnelle.
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