Connaissez-vous l’histoire d’Euronat ? Et de son fondateur, Hubert Lacroix ? Ce projet fou est né au début des années 60, dans une époque appropriée pour créer une opération touristique naturiste, sur les terrains communaux de Grayan et l’Hôpital. Pascal Fiévet a enquêté (1).
Pour désengorger le CHM en pleine expansion, Hubert Lacroix fut un précurseur en concevant Euronat. Guy Lartigue, maire de la commune, se référant au ministre de l’époque, donna l’autorisation administrative au projet. Et le choix de Jacques Fort comme directeur d’Euronat, ingénieur de grande compétence autant que concepteur architectural des villages, pour seconder son ami Hubert Lacroix, fut un atout important.
Déjà, en 1965, avant de poser la première pierre de ce futur centre de vacances, l’audacieux visionnaire avait fait ses preuves en réalisant avec sa jeune entreprise de travaux publics, fondée un an auparavant, les travaux divers de voirie de l’ancien club méditerranée de Montalivet, de nos jours repris par une société d’actionnaires anonymes de loisirs.
Un fils de cultivateur
Né le 31 juillet 1931, fils de cultivateur, élève brillant et aimé de ses camarades, Hubert avait un caractère optimiste hors du commun même à la fin de sa vie, quand il savait que ses heures étaient comptées. Il mourut en 1995 d’une tumeur au cerveau.
De l’avis de ses proches, idéaliste plus que pur financier, sa qualité première de dirigeant fut sans doute sa ténacité. « Têtu et très dur avec lui-même, il prit de nombreux risques pour réussir, démarrant le projet sans vraiment trop de moyens. C’était un travailleur acharné, un rassembleur généreux dont la conduite fut exemplaire, et d’une gentillesse remarquable ». Homme intègre et de devoir, fidèle comme Guy Lartigue à la doctrine de Jean Jaurès, tout le monde aimait travailler avec lui. « Son entreprise, c’était aussi la cantine, en toute convivialité, on se retrouvait pour manger. Charismatique, il a pris inconsciemment le même tournant que Napoléon, ne s’entourant que de personnes compétentes. Du manœuvre au maître d’ouvrage, il considérait et aimait ses ouvriers en les récompensant quand il le pouvait ». Plusieurs de ses collaborateurs de l’époque, aujourd’hui en retraite, peuvent en témoigner, tel Guy Cadenes, un chef d’équipe. « Ce patron était protectionniste, paternaliste, attentionné envers nous, de ce fait, on se donnaient à fond ».
Pas besoin d’un costume ou d’une cravate pour se faire respecter. Dans un hydroxeur, une baignoire très évoluée pour l’époque, enthousiaste, il se serait exclamé devant ses invités : « ouf, la pression du jet fonctionne bien, me voilà rassuré ! »
Jacques Fort, dans son ouvrage « Euronat, il fallait y croire ! », explique que « ce n’était pas un jeu d’enfant de créer cet espace naturiste de 335 Ha en Aquitaine. Au départ sans trop d’argent, malgré les péripéties dès sa création. Un pari fou ! Mais la concrétisation est bien là ! Sous une forêt de pins, les petites routes goudronnées nous conduisent dans les différents villages, à l’établissement de thalassothérapie (2), au camping, au centre commercial spacieux bien ancré dans l’environnement naturel, aux deux piscines, au mini-golf, aux salles d’activités et à la grande salle polyvalente, puis nous avons la chance d’aller directement sur la Côte d’Argent où s’émeut l’Océan Atlantique au gré des saisons, (immense plage naturiste au sable fin) ».
Comme un jardin d’Eden ?
De nos jours, estiment certains propriétaires, « nous pouvons vivre à l’année dans ce jardin d’Éden, mais les privilégiés que nous sommes doivent en tout cas respecter comme il se doit le règlement pour conserver l’esprit de ce lieu extraordinaire à la base de vacances, unique en Europe ».
Claude Lacroix, son épouse, toujours alerte et en très bonne santé à quatre-vingt-sept ans, le confirme. « Guy Lartigue n’a eu aucun mal à être l’initiateur du projet naturiste (complété par le camping textile du Gurp) puisqu’il bénéficia de la réputation du CHM fondé par Albert Lecoq qui a essuyé les plâtres sans oublier ce drame humain (3). L’intention de mon mari, pour ce lieu, était que chacun puisse se sentir en osmose avec leur propre biorythme en phase avec les lois naturelles terrestres ». Et, précise-t-elle, « En plus de cette vie saine pour le corps et l’esprit, on ne parlait pas bio, on mangeait bio. Jacques Fort faisait souvent des conférences au théâtre de verdure sur les valeurs et l’éducation naturistes, étant aussi vice-président de la FFN de la commission des centres de vacances ».
« J’ai perdu un grand ami » confie, peiné, Jacques Fort. Et, continuant sur sa lancée « Cet humaniste aurait évolué avec son temps comme j’ai su le faire. Notre génération est passée. La pratique actuelle plus individuelle que collective est le miroir de notre société. Pourtant, je le reconnais, la jeunesse devrait prendre conscience qu’il faut absolument protéger la planète, se nourrir moins et mieux dans le bio, s’ouvrir vers l’autre dans la tolérance, à mieux se supporter, à défaut de s’aimer dans le respect et dans le partage des ressources. Enfin, à travers notre nudité, apprenons l’humilité de notre passage sur terre dans l’infini petit comme écrivait le philosophe Pascal du dix-septième siècle ».
Si Hubert Lacroix était encore vivant, vraisemblablement son souhait serait qu’Euronat reste dans sa famille, mais la nouvelle génération est-elle prête à reprendre maintenant cette lourde responsabilité ? L’avenir nous le dira. Ne serait-ce pour protéger le restant des précurseurs du naturisme d’hier ? Denis Pettes, responsable de l’association « A.N.E.S.O », membre de la FFN, vous le dira : « il est toujours agréable de connaître son P.D.G., monsieur Lorefice qui nous aide toujours financièrement, même si Euronat n’est plus adhérente à notre fédération. Il lui tient à cœur de conserver de ce qu’il reste de l’état d’esprit des anciens, si bien décrit par la mémoire vivante d’Euronat, Jacques ».
(1) : Cet article, actualisé en juin 2020, a été publié dans sa version initiale pour la première fois en juillet 2019, dans Naturisme Magazine (N°61).
(2) Voir reportages sur la Thalassothérapie dans Naturisme Magazine (N° 54 et 60).
(3) « Dans une France pudibonde, seul Montalivet accepte, en 1950, son projet d’implantation d’un camp naturiste familial : le Centre Héliomarin de Montalivet. Ce qui déclenchera une violente campagne de protestation et le suicide du brave maire du village, Jean Monget, en 1953 sous la pression des villageois qui lui promettaient de finir en Enfer ». (Luc Desbenoit -Télérama du 2 août 2013).
POUR NE RIEN MANQUER, ABONNEZ-VOUS
A NOTRE NEWSLETTER HEBDOMADAIRE