Lancé début novembre, le mouvement de défense des activités jugées « non-essentielles » par le gouvernement prend de l’ampleur. Artisans et petits commerçants, boostés par leurs collègues photographes, « se mettent à poil » pour alerter l’opinion et les autorités, et révèlent un autre phénomène : la majorité des victimes sont des femmes !
« Nous disons bravo, bravo à toutes celles et ceux qui acceptent de se photographier dans le plus simple appareil. La nudité n’est pas de l’exhibitionnisme ou de la séduction vulgaire, mais une vraie expression personnelle forte et engageante ! Cette action collective en est encore une preuve ! Gardons espoir en des lendemains meilleurs, nous sommes une belle communauté ! »
Le communiqué rédigé par les photographes à l’initiative du mouvement est clair, et personne ne s’y est trompé parmi les participants, ou leur clientèle…même s’il n’est pas partagé par tous les confrères. Il n’est pas un jour, désormais, où la presse locale se fasse l’écho de nouvelles professions qui s’y mettent, quand ce n’est pas des villages tout entier. Avec parfois des initiatives complémentaires, comme en région PACA, où les séances photo ne serviront pas que pour les réseaux sociaux, mais aideront aussi à réaliser un calendrier pour matérialiser le combat.
La première était une esthéticienne, suivie d’un coiffeur, puis d’un barbier. Mais c’est un photographe de l’Oise qui a eu le déclic, en trouvant le bon slogan « Quitte à être mis à poil, je préfère le faire moi-même« . Moins de 15 jours après, ils sont des centaines à partager leurs clichés « militants » sur Facebook, sur leur pages perso et dans le groupe créée pour l’occasion, #artisanapoil. Sur Instagram, il y avait déjà plus de 700 publications ce 12 novembre. Avec des témoignages personnalisés, des aveux de timidité, ou des suggestions pertinentes.
En Région Centre, Aurélie, une coiffeuse d’Orléans, invite ses confrères de la France entière à les rejoindre. « Il s’agit d’une campagne forte, à partager sans aucune modération, afin de faire entendre « les commerces non essentiels » dont la fermeture, imposée par les mesures gouvernementales, met en péril nos commerces »
Après les dentistes au mois de mars, pourquoi les photographes expriment-ils aujourd’hui leur colère ? « Non pas que le covid ne doive pas être pris au sérieux, bien au contraire … mais la communauté des photographes a démontré qu’elle savait être responsable et continuer son activité dans le respect des contraintes sanitaires. Les photographes ont même une activité indispensable, ne serait ce que pour la réalisation des photographies d’identité, maintenant uniquement possible par des cabines souvent peu désinfectées …« .
En Bretagne, à Lannion, la photographe Charlotte Poutroux a convaincu 7 artisans de poser, comme elle, créant des mises en scènes pour chacun, comme le relate le site actu.fr. « Des coiffeurs, une esthéticienne, une bijoutière, une écrivain public, un fleuriste… Il n’y a rien de vulgaire bien sûr. C’est avant tout pour défendre nos professions car là on est abasourdi par les décisions du gouvernement.«
Car, assurent les photographes : « Ceux qui croient que l’on peut compenser tout cela par des euros n’ont pas de coeur, ne comprennent pas toutes les composantes de notre activité ! Les photographes ne veulent pas de tunes, ne veulent pas être assistés mais continuer d’exercer, à gagner leur vie normalement avec leurs clients … et nous pouvons le faire de manière responsable !« . En précisant que » ce mouvement concerne l’ensemble des artisans et commerçants. Par cette action les photographes expriment aussi leur solidarité envers des consoeurs et confrères de métiers pas si lointains qui n’ont pas la même chance d’être aidé ainsi« .
En région PACA, dans les Alpes -Maritimes, c’est une restauratrice qui s’exprime, longuement, avec pertinence, « J’aimerais savoir pourquoi chez moi les personnes se contaminent plus qu’ailleurs, J’aimerais savoir pourquoi les loisirs sont dangereux, J’aimerais savoir qui a décidé de faire de chacun d’entre nous le responsable de l’autre, Qui a décrété que se faire coiffer, manger en famille, se faire servir, écouter de la musique, partager, lire, participer à la vie locale était nocif?« .
A Lunel, dans l’Hérault, c’est l’équipe du magasin de vêtement Côté Bohème, qui a rejoint le mouvement. En Dordogne, là aussi, un photographe a photographié plusieurs artisans, tout comme la photographe Delphine Héau à Lorris, dans le Loiret, a convaincu pas moins de 12 personnes du village à s’impliquer.
Jusqu’où ira l’aventure ? Personne ne le sait, sinon que l’ampleur déjà atteinte ne s’était jamais vu. Mais, surtout, un constat s’impose : la majorité des professions représentées sont largement exercées par des femmes. Personne n’ira dire qu’elles le font car plus exhibitionnistes que les hommes. Mais, on comprend facilement qu’elles puissent être en colère quand on pointe du doigt leurs activités en estimant qu’elles sont « non-essentielles ».
Sans conteste, le terme est, au mieux, mal choisi, au pire dégradant. Et parait surtout, une fois de plus, particulièrement sexiste
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