Regards sur les pratiques et philosophies naturistes

Etre nu, voire vivre nu, n’est pas un acte aussi simple que l’on pense, selon les philosophes et sociologues experts en sciences du corps…et en sexualités. Mis en lumière depuis juillet par l’exposition programmée au MUCEM, ce constat mérite un débat plus large. Naturisme magazine ouvre le sujet à ses lecteurs.

Par Jean-Luc Bouland

Hyper-médiatisée, l’exposition Paradis naturistes présentée jusqu’en décembre au MUCEM de Marseille a suscité nombre d’articles positifs et beaucoup de réactions indignées des internautes, voire nauséabondes, montrant sans conteste que le sujet ne laisse pas indifférent. Voilà presque cent ans, Marcel Kienne de Mongeot, l’un des pionniers français de la pensée naturiste, était déjà vilipendé par les ligues de vertus. Promoteur d’un très philosophique naturisme, presque élitiste, il tenait un discours souvent plus sexualisé que celui d’Albert Lecocq, qui, quelques années plus tard, défendait un naturisme plus populaire et plus pragmatique. Cette opposition s’atténua quelques dizaines d’années plus tard quand chacun s’accorda à dire qu’ils étaient complémentaires.

Fondateur de la Fédération française de naturisme, Albert Lecocq impulsa au sein de celle-ci de nombreuses initiatives sportives et culturelles pour promouvoir une vision du naturisme qui perdura avec ses successeurs après son décès (1969), sous l’oeil vigilant de sa veuve, Christiane Lecocq. L’une d’entre elles fut la mise en place d’une commission très influente, aujourd’hui disparue, la CERCI. Cette Commission Etudes Réflexions et Communication Interne se définissait comme l’organe de réflexion de la Fédération française de naturisme et se donnait pour objectif « de veiller au respect de l’éthique et des valeurs du naturisme dans les décisions mais aussi dans l’évolution des modes de vie du naturisme ».

Elle fut ainsi à l’origine de la création de la première bibliothèque sur le naturisme, oeuvrait à l’élaboration des affiches et documents de promotion, telle le Livre blanc du naturisme, et publia à partir de février 1996 des cahiers intitulés Cercitudes, dirigés par Marcel Audin. De nombreux thèmes y étaient abordés : sports, religion, culture, éducation, pour comprendre l’évolution de la société, et étudier quelles réponses le naturisme pouvait y apporter. Le N°1 des Cercitudes publiait en partie une intervention de Marc-Alain Descamps, datant du congrès de la FFN en 1972. Maitre de conférence à l’université René Descartes de Paris, il analysait l’époque, entre « La femme, avenir de l’homme« , « Les verts et l’écologie » et le mouvement New Age, et posait la question : « dans les valeurs du troisième millénaire, le naturisme peut-il être absent ? ».

Décédés, Marcel Audin et Marc-Alain Descamps ont manqué l’expo du MUCEM, et nul ne sait s’ils auraient accepté de la visiter en toute nudité. En 2024, la pratique naturiste est multiple, valorisant une liberté individuelle prioritaire en tous lieux, ce qui rend plus complexe l’élaboration d’une philosophie rassembleuse et cohérente. En 1999, les Cercitudes reprenaient des propos d’Albert Lecocq, tenus en 1958, expliquant que le mouvement naturiste « n’a que faire de ceux qui, toujours et partout, ne recherchent que leur intérêt personnel, sans jamais le moindre éclair de désintéressément (…) ».

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