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Vers une loi moins favorable à la nudité publique ?

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Initialement prévue pour combler une faille dans la protection juridique des victimes d’agressions sexuelles, un projet de loi actuellement à l’étude à l’Assemblée nationale interpelle sur la nudité publique. Pas assez précis, son article 4 pourrait restreindre autant la pratique naturiste que l’expression artistique ou militante.

La défense de justes causes génère parfois des réponses aux conséquences secondaires très discutables. Ainsi en est-il d’une proposition de loi déposée à l’assemblée nationale le 9 février par une élue des Bouches du Rhône « visant à lutter contre les violences sexuelles et sexistes« . Présentée par Alexandra Louis, députée de Marseille, et une soixantaine de ses collègues, celle-ci a pour ambition d’abaisser « le seuil de tolérance de la société à l’égard de ce fléau mais également de lui donner les moyens de réagir » en faisant évoluer le dispositif pénal « afin de mieux réprimer les auteurs« .

Elle inclut ainsi tout autant les faits d’inceste que les relations avec des mineurs mais, dans son article 4, veut aussi « refondre le délit d’exhibition sexuelle » considérant que le rapport d’évaluation de la loi Schiappa « met en évidence une sérieuse lacune dans l’édifice pénal concernant le délit d’exhibition sexuelle« , considérant que « certains comportements vécus de façon très traumatisante par les victimes ne sont couverts par aucune infraction et en conséquence, l’infraction d’outrage sexiste est utilisée par défaut« . Et c’est là que devant le flou et la rédaction mal argumentée du texte, les inquiétudes se lèvent chez les naturistes, tout comme chez les artistes ou activistes utilisant la nudité comme moyen d’expression.

Redéfinir l’exhibition sexuelle

Le texte présenté relève une contradiction entre la perception d’un acte par une victime, un témoin ou un policier, et le point de vue de la Cour de Cassation concernant une « exhibition sexuelle ». Ainsi, souligne le texte, « l’exhibition sexuelle ne fait l’objet d’aucune définition légale et donc est laissée à l’appréciation du juge. Or, la Cour de cassation considère que de simples gestes obscènes en direction d’un tiers, même si l’auteur tient son sexe dans la main à travers son vêtement, ne constituent pas le délit d’exhibition sexuelle« .

Le vide juridique, concernant par exemple le cas d’un homme se masturbant à travers son pantalon, sans nudité apparente, est donc actuellement comblé par l’accusation d’outrage sexiste, ce qui parait inapproprié. La redéfinition de l’exhibition sexuelle doit donc être refaite, dans l’article 222-32 du code pénal. Et pourrait l’être en la remplaçant par le terme « exhibition d’un acte sexuel ». Car, soulignent toujours les rédacteurs, « il est difficilement compréhensible de ne pas qualifier d’exhibition sexuelle le fait pour une personne de se masturber en public, même à travers son vêtement, mais de retenir cette qualification lorsqu’il s’agit d’une femme qui exhibe sa poitrine à des fins politiques« , notamment pour un procès en cours concernant les Femen.

Et c’est là que toutes les interprétations sont possibles, comme le souligne par ailleurs Maître Frédéric Picard dans son analyse de la proposition. Est-ce une proposition plus restrictive ou plus libérale ? Cela va-t-il officialiser le fait pour une femme de montrer ses seins comme une exhibition sexuelle, ou au contraire l’en exclure ? Et dans quelle catégorie ranger les « performances » artistiques, l’usage de la nudité comme moyen de protestation, voire la pratique du monokini, ou simplement l’allaitement en public ?

Sujette à débats sur les réseaux sociaux, et à nombre d’interprétations parfois exagérées, cette proposition de loi a mobilisé les instances fédérales, et des actions officielles ont été entreprises. La présidente, Viviane Tiar, est désormais mandatée pour contacter les députés, et pour engager toute autre action utile à la défense de la cause naturiste. Car, espèrent certains, c’est peut-être aussi l’occasion de faire évoluer la loi dans une meilleure différenciation entre la simple nudité et son exhibition à caractère volontairement « sexuel ».

Jean-Luc Bouland

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2 Commentaires

  1. Ce n’est pas très glorieux de la part de la FFN de se servir d’une proposition de loi indispensable pour combattre un fléau social majeur (violences sexistes et sexuelles) , pour essayer de grappiller de pitoyables avantages en faveur de quelques exhibitionnistes interpellés par la gendarmerie.
    Quelle honte ! !
    Et en plus, demander un rendez-vous aux parlementaires pour parler d’autre chose que des violences sexuelles et sexistes.

  2. Ce projet de loi est extrêmement dangereux car il mélange tout, sera inefficace en ce qui concerne les causes (justes) qu’il prétend servir ou régler, et risque de rendre encore plus opaque et incompréhensible une situation juridique – celle de la nudité en public – qui a besoin très exactement du contraire.

    Les mesures préconisées seront inefficaces car (et je sais hélas de quoi je parle) la punition pénale des délinquants sexuels, quels qu’ils soient, ne répond pas au préjudice subi par les victimes. Dans tous les cas, il leur faudra apprendre à vivre avec le traumatisme qu’elles ont subies, et je ne vois pas en quoi savoir l’auteur du délit en prison soulage de quelque manière que ce soit. C’est un postulat fort répandu, mais c’est seulement un postulat, sans l’ombre d’une preuve scientifique (dans un domaine, la psychologie, où la science ne peut être que subjective)

    Par ailleurs, c’est croire que la prison a une valeur dissuasive et répressive, qu’on en sort meilleur qu’on y est entré. Tous les acteurs du monde pénitentiaire savent que c’est totalement faux. La prison forge exacerbe les violences, elle ne les limite pas. Elle fait des loups, pas des moutons. Quant à « l’obligation de soins », à supposer qu’elle soit prononcée par le tribunal, il faut encore qu’elle recueille l’assentiment du condamné, car en France on ne peut soigner quelqu’un contre sa volonté, pas plus pour des troubles psychologiques poussant à des pulsions sexuelles que pour une vaccination ou un acharnement thérapeutique, par exemple. La simple répression est et restera inefficace en matière de délits et crimes sexuels, quels que soient les textes adoptés.

    Clarifier la loi en ce qui concerne la nudité est un impératif qui n’est pas nouveau et mériterait un vrai débat de société, décomplexé et ouvert, afin de rompre avec l’hypocrisie qui confond nudité et exhibitionnisme, pratique d’un mode de vie nue et débordement supposé d’une vie sexuelle sans limites. Ce n’est pas tant un débat sur le naturisme qu’un débat sur la sexualité, ce n’est pas un débat sur le cadre géographique (quels lieux autorisés et quels lieux interdits) mais un débat sur les comportements individuels. En Espagne, monarchie catholique qui ne me semble pas être une anarchie libertaire, la nudité est autorisée partout. Je ne connais pas de cas de débordement… Rappelons-nous que trop de loi tue la loi.

    Et ce n’est pas l’hystérie des promoteurs du projet de loi actuel qui parviendra à faire vivre ce débat en toute sérénité. Mais que ne ferait-on pas pour satisfaire son ego quand on veut exister médiatiquement en tant que personnalité qui ne sait rien de la pratique naturiste et confond faire de la politique et faire de la gesticulation?

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