Art ou Histoire du Nu ? Comment classer les 15 statuettes découvertes sur un site de fouilles d’Amiens entre 2014 et 2019 ? ce patrimoine exceptionnel, datant de plusieurs millénaires, offre aussi une des premières représentation de la femme.
Par Guillaume Lemoine
La découverte récente entre 2014 et 2019 de 15 statuettes sur un site de fouille à Amiens (quartier Renancourt) dans la Somme nous donne l’occasion de rappeler l’existence de ce patrimoine exceptionnel que forme les « vénus » ; premières images de la femme, sans pour autant que leurs fonctions et rôles ne fassent l’unanimité au sein de la communauté scientifique. Ces découvertes en Hauts-de-France sont exceptionnelles à plus d’un titre, car elles étaient considérées absentes d’une grande partie du territoire national et ne semblaient originaires que des régions aquitaine et pyrénéenne, et que la précédente découverte de « vénus » remontait à 1959 pour celle de Tursac (24). Nos autresvénus hexagonales nous viennent en effet de Lespugue (31), Montpazier (24), Brassempouy (40) et Sireuil (16).
Symbole de fécondité ou objet sexuel
Figurines féminines de l’art préhistorique (Paléolithique), les vénus ne cessent d’intriguer. Il s’agit de petites statuettes très anthropomorphes présentant des femmes aux formes généreuses. Les scientifiques puis le grand public ont souvent imaginé qu’il s’agissait d’objets qui servaient aux cultes de la fécondité car l’une des caractéristiques des figurines en question sont leurs hanches et fesses atteintes de stéatopygie, leur ventre adipeux, leurs seins de forte taille et leur vulve souvent bien visible. Elles ressemblent d’une certaine façon à Saartjie Baartman (1789-1815), femme Khoïsan du Cap, ancienne esclave tristement célèbre, connue sous le nom de scène de Vénus Hottentote, qui a été exhibée à Londres et à Paris en raison de ses particularités physiques (hypertrophie des fesses, des hanches et de ses parties génitales). Il s’agissait ainsi d’y voir dans les statuettes la représentation d’un idéal féminin, archétype de la beauté féminine de l’époque, ou celui d’une « déesse mère », sans qu’aucune assise scientifique ne puisse attester la réalité de ce type de culte avant la période du Néolithique.
Bien que leurs « gestuelles » et postures ne soient jamais explicitement sexuelles, d’autres auteurs ont imaginé qu’il pouvait s’agir d’ « objets érotiques », puisqu’il s’agit de femmes réduites à une simple fonction et représentées principalement par la partie centrale de leur corps (seins, fesses et sexe) soutenant par la même occasion que ce qui concerne la sphère sexuelle et/ou la reproduction (donc le maintien de leur lignée) semblait être pour nos ancêtres une préoccupation majeure. Quelques soient leurs origines géographiques : françaises, italiennes, rhéno-danubiennes, comme la célèbre Vénus de Willendorf, russes comme celles de Kostenki (150 unités retrouvées le long de la vallée du Don), voire de Sibérie (pour lesquelles les vénus sont majoritairement habillées), elles ont presque toutes un corps plus ou moins incomplet.
Les mains, les pieds, le visage voire la tête sont absents. Les régions du corps représentées ou détaillées, qui correspondent, comme nous l’avons vu, aux seins, fesses, sexe, abdomen et ceinture pelvienne, répondent donc pour certains à un dessein unique au caractère sexuel significatif. Le sexe est souligné par une fente souvent légèrement décalée vers le haut pour être rendue plus visible sans pour autant devenir ostentatoire, sauf pour les Vénus de Hohle Fels (de l’Aurignacien, 36 000 ans AP) et de Monpazier (Gravettien 27 000 ans) qui, aux vulves disproportionnées, font exception (…)
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